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Un aperçu des rencontres « L’habitat léger, c’est du lourd »

samedi 13 décembre 2014

Fin d’été 2014, les journées rencontres de l’association HALEM - Habitants de Logements éphémères et Mobiles - ont eu lieu cette année à Harfleur, en baie de Seine, banlieue du Havre.

Depuis l’été 2008, les rencontres de HALEM sont l’espace et le moment le plus important de l’association. Nous en profitons pour faire le point, analyser l’actualité, réfléchir aux différents besoins des personnes discriminées par leur mode d’habiter, établir les stratégies de l’année, rencontrer de nouvelles personnes, renforcer notre équipe, nous organiser...

Prévues sur quatre jours et se concluant par l’AG de l’association, ces journées-rencontres se sont déroulées sous un grand barnum, un petit chapiteau, une yourte, une tente et un tipi. Nous avons pu compter cette année sur une aide apportée par RELIER pour l’organisation des rencontres, sur la participation d’Echelle Inconnue et sur l’aide logistique de camarades de La Mine qui nous ont mitonné des repas inoubliables. Nous tenons également à remercier les « amilitants » havrais sans qui cette rencontre n’aurait pu se faire. Malgré une météo plus que maussade, les rencontres ont connu une belle affluence et une bonne intensité de débats.

Ce texte n’est qu’une petite présentation de tout ce qui a pu s’y raconter et décider. Des documents plus complets sont en cours de rédaction.

Lors de la première matinée, l’exposé de Marie Licieux (chercheuse) sur la reconstruction du Havre a été l’occasion de prendre la mesure de l’effort fourni au lendemain de la guerre pour loger les populations déplacées, les sans-abris et les troupes étrangères avant leur retour au pays.

La situation d’extrême urgence commande alors la mise en place de solutions immédiates de création de logements décents ; le génie militaire lance un appel d’offres : il s’agit de créer en matériaux locaux et simples - donc naturels, de l’habitat montable et démontable facilement, qui puisse cependant durer « la vie d’un homme ».

Soixante-dix ans après, certains de ces habitats subsistent encore ; ils ont été revendus à des particuliers qui y ont habité parfois des décennies et de nombreuses familles sont restées très attachées à ces constructions en bois qu’elles ont souhaité conserver.

Un participant remarque que si on observe aujourd’hui que l’habitat démontable, mobile, réversible connaît un regain d’intérêt et que la thématique de la yourte n’en finit pas de faire couler de l’encre, celle-ci a tendance à occulter, hélas, le reste de la « planète éphémère et mobile ».

DANSE AVEC LES ÉLUS : la loi ALUR, état des lieux et conséquences...

La loi ALUR votée en février 2014 a intégré la diversité des modes d’habitat dans les parties constructibles des plans d’urbanisme. La volonté affichée du gouvernement était de réduire les contentieux juridiques. En effet, plusieurs procès ont permis une issue positive pour les habitants, malgré la traque des DDT (Directions Départementales des Territoires) contre ces habitats alternatifs, « hors normes » ou non ordinaires.

La problématique purement urbanistique, par sa complexité, demeure incompréhensible à l’usager ordinaire et la plupart des élus, les services de l’Etat eux-mêmes restant empêtrés dans le maquis des réglementations et les directives contradictoires des différents ministères.

Au delà des considérations d’urgence, HALEM s’appuie, entre autres, sur l’intensité, la diversité et la multiplicité des expérimentations spontanées de toutes celles et ceux qui entreprennent aujourd’hui de créer leur habitat comme une forme de résistance appréhendée au travers de la crise économique. L’Habitat Léger, loin d’être un modèle pour tous, en ce qu’il nécessite une capacité d’adaptation permanente aux milieux - physiques et humains - et aux ressources - territoriales et économiques, répond aujourd’hui, pour beaucoup de personnes, à la nécessité de se loger, rendant effective la mise en œuvre de droits fondamentaux « créances » : s’abriter, subsister, circuler, demeurer.

Le constat est féroce  : les plans d’urbanisme chargés de planifier l’habitat se concentrent plus sur la préservation d’espaces verts et la protection de la biodiversité que sur la mise en place d’une offre de logements diversifiés et en nombre suffisant pour satisfaire les besoins de la population. A la spéculation urbaine répond l’écho de la gentrification du milieu rural. Les collectivités continueront à créer des documents d’urbanisme en essayant d’exclure une partie de leur population, en la rendant illégale sur leur territoire, en rivalisant de zèle et en sautant sur toutes les occasions pour organiser la chasse aux plus modestes. Les arguments « écolos » deviennent les principaux ennemis des installations spontanées, celles-ci devenant les responsables de la disparition des espaces agricoles, les malpropres qui détériorent le paysage par leur unique présence.

Aucun diagnostic des besoins n’est aujourd’hui opposable lors de l’élaboration des documents d’urbanisme et les outils tels que les PUP (Projet Urbain Partenarial) [1], PIG (Programme d’Intérêt Général), PIL (Procédure Intégrée pour le Logement) [2], PDALPD (Plan Départemental d’Action pour le Logement des Personnes Défavorisées), Schémas départementaux pour les gens du voyage, PLH (Plans Locaux de l’Habitat), enquêtes publiques et tout le tralala restent lettre morte face aux politiques locales d’exclusion et aux lobbies des opérateurs. Ces documents d’urbanisme pourront continuer à fabriquer des SDF voir des "délinquants" lorsque ceux-ci cherchent par leurs propres moyens à répondre au refus de tenir compte de leurs besoins. Doivent-ils être condamnés à errer lorsque qu’ils sont expulsés pour infraction au code de l’urbanisme, avec des amendes ou des « récidives » ?

Le constat à l’issue de cet atelier est plus que sceptique, tant sur cette prétendue volonté politique à tous les échelons que sur la capacité des citoyens et des associations à se saisir de ces outils.

En bref, si la loi ALUR a affiché la "prise en compte de l’ensemble des modes d’habitat", l’absence de contraintes réelles pour les collectivités fait presque regretter le flou juridique préexistant. Il est à craindre que le nouveau cadre réglementaire amène une recrudescence de procédures à l’encontre des usagers avant une hypothétique mise en conformité des plans d’urbanisme par rapport aux besoins (présents et futurs) réels concernant les habitats mobiles ou démontables.

Pour l’heure, HALEM reçoit des appels d’usagers, de collectivités territoriales ou de journalistes redirigés vers notre association par de " vénérables " institutions comme les Agences Départementales d’Information sur le Logement (ADIL) ou les Conseils d’Architecture d’Urbanisme
et d’Environnement (CAUE).

Concernant les élus locaux, nous avons pour pratique courante de mettre en relation celles et ceux en demande avec leurs confrères aux initiatives vertueuses. Un appel à la constitution d’un réseau d’élus pourrait être un élément moteur d’une dynamique nouvelle et indispensable à l’évolution du contexte vers une résilience féconde.

L’HABITAT PARTICIPATIF : avant-garde ou concept bobo et gentrifieur ?

Ce sujet a vite mis le doigt sur la nécessité de considérer les initiatives tels que les bidonvilles comme étant des « habitats participatifs d’urgence ».

Une personne dans son autoconstruction d’urgence doit subir un accompagnement social avec ce que cela comporte de perte de dignité pour espérer obtenir un maintien provisoire sur son lieu de résidence. HALEM a décidé de démarrer une campagne pour dénoncer cet état de fait.

La question complexe des normes a également été abordée. Celles censées protéger les plus faibles faces aux abus des marchands de sommeil interdisent aux personnes n’ayant pas accès aux logements « réglementaires » de bénéficier des droits liés à la protection du domicile.

HALEM confirme sa position en affirmant que la création de zones franches libérées des règles d’urbanisme répondrait au besoin d’expérimenter d’autres manières d’occuper le territoire, notamment pour les personnes pour lesquelles la mobilité est une nécessité économique.

L’association HPFC (Habitat Participatif et Finances Citoyennes [3]) dans laquelle quelques militants d’ HALEM ont choisi de s’investir a créé des outils qui permettraient à certains projets de s’autofinancer. Nous souhaitons poursuivre cette piste et invitons à venir réfléchir avec nous sur la manière d’utiliser ces outils ainsi qu’à présenter d’éventuels projets d’installation.

TECHNIQUES DE NOMADES, DE CONSTRUCTIONS LÉGERES ET HACKING

La rencontre entre les bidouilleurs en programmation / électronique / création d’outils libres... du Havre avec les bricoleurs de l’habitat léger ou mobile a été très intéressante. De nombreux conseils autonomisants ont été donnés pour que nos outils de communication ne restent pas entre les mains des vendeurs en tout genre.

Des comparaisons sont possibles entre habitat léger et hacking, il suffit de voir le tipi en bambous ariégeois, l’évolution de la yourte, d’autre part le logiciel libre repose sur une limitation du droit de propriété
Il existe des tutoriels pour des amplificateurs de wifi mobiles et , voire des solutions entièrement libres, mais le mieux serait de monter un atelier bricolage (les tutoriaux sur l’amplificateur ricoré sont assez connus, c’est le faire le problème). Certaines applis comme « park4date » ou « park4nigjt », cartographient déjà certains lieux de campement possibles ; à voir, si on veut organiser une communauté virtuelle pour élargir les mobilisations"

Nous devrions au cours de l’année publier des fiches-outils pour devenir nos propres serveurs, gérer nos sites, nous connecter plus facilement...

COMMERCE AMBULANT, TRAVAILLEURS MOBILES, ÉCONOMIE INFORMELLE.

Un exposé sur la situation des vendeurs à la sauvette, des biffins et sur l’économie informelle nous a permis de mettre de nombreuses situations d’habitat léger dans leur contexte économique [4]. Une interview vidéo à propos des biffins est disponible sur le site de Graziella microouvert [5].
Nous avons abordé de façon générale les liens avec l’économie déclarée illicite ainsi qu’une possible intégration de ces activités via l’impôt, comme façon d’obtenir une reconnaissance de la participation à la société.

Nous avons été également en direct avec Stany d’Échelle Inconnue en Russie qui a pu nous décrire l’état de ses recherches à Moscou. L’économie informelle a contribué efficacement à la restructuration de la ville. Maintenant que celle-ci surmonte ses premières difficultés, les biffins et les bricoleurs de cette petite économie sont pourchassés et criminalisés [6].

Nous espérons bientôt pouvoir diffuser ces recherches et analyses.

Enfin, voici très rapidement quelques pistes de travail pour cette année :

1. Création d’un pôle de stratégie judiciaire afin de stabiliser la jurisprudence, donner des outils aux militants, juristes et avocats du réseau.

  • Création d’un petit guide d’aïkido juridique pour les usagers d’habitats légers ;
  • Idée d’animation d’un réseau de formation juridique populaire.

2. Élaboration d’un projet de loi populaire.

Rédaction collective d’une note d’intention de quatre pages pour présenter un projet de loi ; Travailler article par article les évolutions qui paraissent souhaitables pour l’Habitat Léger et l’intérêt général. Nous avons choisi de mettre notre énergie dans la réflexion et dans l’organisation de la mise en avant de la diversité d’intérêts et de points de vue. Un projet de loi évolutif où chaque réseau concerné est invité à réfléchir à ce qui serait idéal plutôt qu’à ce qui pourrait probablement être pris en compte dans le contexte politique actuel.

3. Diagnostic et étude d’impact

Il s’agit entre autre d’être en capacité d’opposer la prise en compte des besoins lors de la rédaction des documents d’urbanisme.

4. Préparation des rencontres de l’année prochaine

L’idée retenue est de nous réunir l’an prochain de manière plus mobile :
rencontres sur un mois se déplaçant sur plusieurs sites et villes.

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